Sécheresse: l’État vient en aide des sinistrés de la Vallée de la Lys

Article de la Voix du Nord : le 18/12/2019 –Vincent Depecker

https://www.lavoixdunord.fr/682570/article/2019-12-18/vallee-de-la-lys-l-etat-debloque-dix-millions-d-euros-pour-aider-les-sinistres

Sécheresse : l’État vient en aide des sinistrés de la Vallée de la Lys
Pour ceux qu’on appelle les « sinistrés de la sécheresse », c’est un cadeau de Noël avant l’heure. Et même si la somme débloquée par le gouvernement (10 millions d’euros) ne va pas résoudre tous les problèmes, loin s’en faut, elle a quand même le mérite de trouver un consensus.

De nombreux habitants constatent d’importantes fissures structurelles causées par la sécheresse et le mouvement des sols argileux. Photo Archives Stéphane Mortagne – VDNPQR
LECTURE ZEN

Dans la nuit de mardi, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement qui débloque une enveloppe de 10 millions d’euros. Celle-ci va permettre, de façon exceptionnelle, la mise en place d’un dispositif de soutien aux habitants victimes de la sécheresse de 2018. Ce fonds s’adresse à tous ceux qui n’ont pas été reconnus comme victimes d’une catastrophe naturelle malgré d’importantes fissures apparues sur les murs de leurs maisons. « C’est une belle première victoire due à la mobilisation de tous, se félicite le député Vincent Ledoux (Agir), véritable fer de lance du combat. Les collectifs nous ont aidés à trouver les meilleurs arguments et la réunion transpartisane de tous les parlementaires permet de créer un fond qui doit aider les familles les plus vulnérables. »


LIRE AUSSI Sécheresse: une aide exceptionnelle du gouvernement pour les sinistrés «les plus affectés»
L’élu évoque « un acte fort de justice sociale » acté par Gérald Darmanin, plus d’un mois après avoir été retoqué par la secrétaire d’État à l’écologie, qui avait refusé à l’ancien maire de Roncq le déblocage d’une aide d’urgence. L’utilisation de cette enveloppe sera précisée par décret ou arrêté.


PHOTO FLORENT MOREAU – VDNPQR
« Notre mobilisation a payé, renchérit Marie Tonnerre, maire de Neuville-en-Ferrain. Lors d’un déjeuner à l’Élysée, j’ai pu évoquer le sujet. C’est une bonne première étape pour un certain nombre de sinistrés qui bénéficieront de cette enveloppe d’urgence, à condition de remplir certains critères. On a de la chance d’avoir Gérald Darmanin là où il est, d’avoir un ministre qui connaît les dossiers locaux et qui ne reste pas à Paris, loin des réalités du terrain. »
Une bonne nouvelle pour le collectif des sinistrés du Ferrain
Plus prosaïquement, le ministre des Comptes publics se réjouit, lui, de cette « bonne nouvelle » pour les victimes. « Je ne sais pas si toute l’enveloppe sera consommée. Par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur, nous connaissons le nombre de villes qui n’ont pas obtenu la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle mais nous ne connaissons pas le nombre d’habitations touchées. Ceci étant dit, le rôle de l’État n’est certainement pas de se substituer aux assurances privées. »

Jean-Luc Jéret et Vincent Ledoux. photo FRANCOIS FLOURENS – VDN
Jean-Luc Jéret, à la tête du collectif des sinistrés du Ferrain, ne dit pas autre chose. « Il faut que cet argent soit destiné aux sinistrés les plus impactés et on en connaît dans notre secteur. Certaines personnes vivent des situations dramatiques. » Le combat n’est pourtant pas terminé. Plusieurs villes ont contesté devant le tribunal administratif la non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. « Pour la sécheresse de 2017, l’audience est prévue en 2020 », note Jean-Luc Jéret, en pointant du doigt les méthodes de calcul de Météofrance. La récente décision du gouvernement pourrait être d’une aide importante. « Si l’État mène une action pour compenser les effets négatifs d’une non-reconnaissance d’état de catastrophe naturelle, c’est l’aveu implicite que les choses ne se font pas correctement. » Une mission d’étude lancée sur le sujet en 2020
Le député Vincent Ledoux annonce qu’une mission d’étude sera lancée début 2020 « pour apporter des solutions pérennes d’accompagnement des victimes des épisodes de sécheresse-réhydratation ». La mission d’étude annoncée par le Gouvernement « devra permettre de faire évoluer la règlementation actuelle pour qu’à l’avenir des citoyens ne soient plus laissés seuls face aux conséquences dramatiques d’épisodes climatiques exceptionnels, et que leurs conditions d’indemnisation soient clairement établies ».
Si la Vallée de la Lys est durement touchée, le phénomène de retrait gonflement des sols argileux concerne 65 % des sols métropolitains. « 21 % ont des aléas très forts et, en France, 4 millions de maisons sont potentiellement impactées, c’est un problème national. Cette mission parlementaire est nécessaire. Elle permettra à celui ou celle qui la dirige d’avoir des outils d’enquête et de convoquer les différents partenaires qui seront dans l’obligation de répondre à ces convocations », analyse Vincent Ledoux qui se dit prêt à relever le défi.

Les vœux pour 20/20

Nous avons fait preuve de beaucoup de patience et de confiance ces dernières années, 2020 sera l’année de la délivrance.


Les sinistrés de la Sarthe organisés, motivés et solidaires ont pu en peu de temps rassembler le soutien et l’implication des parlementaires, des maires et du conseil départemental.


Nous entamons cette année par une rencontre majeure avec Mr le Préfet qui a accepté de nous recevoir.
Un projet de loi concernant le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est en préparation. Il sera présenté au parlement après les élections municipales.
Notre objectif est d’obtenir la reconnaissance et l’abrogation de la circulaire qui empêche cette reconnaissance.


Pour atteindre ces objectifs, la mobilisation de tous est nécessaire.
Tenez bon
Prenez soin de vous
Bonne année à toutes et à tous

Monsieur Le Préfet de La Sarthe

Le Mans, le 19 décembre novembre 2019

Monsieur,

Les sinistrés des 20 communes non reconnues en état de catastrophe naturelle pour 2018 attendaient avec beaucoup d’espoir l’aboutissement des demandes de recours adressées au Ministère de l’intérieur.

A ce jour, aucune réponse favorable ne nous est parvenue.

Nous souhaitons une audience avec vous, avant la fin de l’année, en présence des parlementaires du département.

Veuillez agréer, Monsieur Le Préfet, l’expression de nos sincères salutations.

Pour le Bureau, Mohamed BENYAHIA

Demande d’audience au préfet

Le Maine Libre

Dans un courrier commun, daté du 20 décembre, adressé au préfet de la Sarthe, plusieurs élus (Pascale Fontenel-Personne, Nadine Grelet-Certenais, Jean-Carles Grelier, Louis Jean de Nicolay, Marietta Karamanli, Damien Pichereau, Sylvie Tolmont et Dominique Le Mener) indiquent que  » de nombreux Sarthois sont en difficulté lorsque leur commune n’a pas été reconnue en état de catastrophe naturelle. En effet, sur vingt cinq communes concernées par ces phénomènes climatiques exceptionnels, cinq seulement ont fait l’objet de cette reconnaissance permettant ainsi à leurs propriétaires d’être pleinement indemnisés par leur assureur.

Ils poursuivent en précisant que  » les habitants sont en désarroi et démunis devant l’ampleur des dégâts apparents. Pour autant, ils doivent continuer à honorer leurs crédits immobiliers ». Enfin, selon les élus, ces victimes éprouvent un sentiment « d’abandon ».

Dans cette logique les élus demandent au préfet de recevoir l’association  » Les Oubliés de la canicule 72″ dans le cadre d’une audience spécifique.

Maisons fissurées en raison de la sècheresse : « Je n’en dormais plus »

Les fissures photographiées par Jean-Pierre s’étendent au fil du temps « Le Maine Libre »

Malgré le temps exécrable ce samedi soir, Jean-Pierre Alcan tient à nous montrer les dégâts à l’extérieur. Sur plusieurs murs de sa propriété située au Bailleul, des fissures sont apparues après l’été.

« J’ai directement pensé à la sècheresse puisque la maison n’avait jamais bougé avant et d’autres gens étaient dans le même cas. »

Les fissures sont principalement autour des fenêtres. « Le plus impressionnant, c’est dans la maison que je loue un peu plus loin », fait-il remarquer. Pour preuve, il nous présente des photos. Sur certaines, la fissure couvre le mur du sol au toit.

La plus importante se situe en dessous d’une fenêtre et se sépare en plusieurs ramifications.  » Ici, la locataire ne pouvait plus fermer la fenêtre. L’air rentrait.  »

Un logement en péril

Dés qu’elle le remarque, il y a plusieurs mois, elle en fait part à Jean-Pierre Alcan. Il décide alors de faire venir un professionnel pour remettre d’aplomb la fenêtre, avec découpe du mur intérieur.  » Nous avons fait du mieux que l’on pouvait, pour que la locataire puisse rester dans le logement. » Une solution provisoire.

D’autant que les fissures sont nombreuses tout autour de la maison.  » Il y en avait à l’intérieur, à l’extérieur, même au sol. » L’ampleur des dégâts alarme Jean-Pierre, qui voit son logement en péril. « J’ai averti le maire, qui s’est déplacé afin de constater les dégâts et a été très étonné de voir ça. »

A de moment là, le propriétaire n’en mène pas large. « Je n’en dormais plus », se souvient-il. « J’avais peur que la dame ne puisse plus rester dans les lieux. Je lui dois le clos et le couvert, c’est la loi. « 

Des témoins indiquent une évolution

Impossible de faire appel à l’assurance. Le Bailleul n’est pas déclaré en état de catastrophe naturelle. Jean-Pierre essaie donc de réparer un maximum de fissures, avec les moyens du bord. En Vain. Car elles continuent d’évoluer.  » J’ai placé des témoins sur les murs pour voir si les fissures s’agrandissaient. Je me suis aperçu que c’était le cas et que la maison bougeait encore. C’est ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui. »

80 000 à 120 000 euros de travaux

Le propriétaire ne peut se résoudre à laisser le bâtiment en l’état. « J’ai commandé un devis avec conseil, pour une reprise en sous-œuvre.  » Les travaux s’élèvent de 80 000 à 120 000 euros. Trop conséquent.

 » La seule solution reste d’être reconnu en état de catastrophe naturelle. «  Il a donc intégré l’association des Oubliés de la canicule (lire par ailleurs).  » C’est le maire qui me l’a conseillé. Il nous apporte un grand soutien. «  Il espère que la situation va se décanter rapidement, avant la prochaine sècheresse.

Les oubliés de la canicule partent sur le terrain juridique

Leurs terrains, bien qu’argileux, étaient constructibles. Les permis de construire avaient été acceptés. Certaines maisons étaient même bicentenaires. Mais les températures élevées de ces derniers étés ont fissuré leurs murs et mis en danger de nombreux propriétaires sarthois qui ne peuvent pas être indemnisés sans reconnaissance officielle de la canicule.

Selon l’association qui les regroupe, les Oubliés de la canicule, 25 communes sarthoises ont demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en 2018 (et au moins 65 pour 2019) mais 20 de ces 25 communes ne l’ont pas obtenu.

Du Sénat au ministre de l’intérieur

L’association dit avoir le soutien du Président du conseil départemental et des maires de la Sarthe. Ses représentants ont été reçus par la directrice du cabinet du préfet. « Plusieurs recours gracieux ont été adressés par les communes au ministère de l’intérieur », selon les Oubliés de la canicule, qui ont fait appel à un avocat.

L’association fait aussi partie d’un réseau national avec lequel elle a assisté à un débat le 29 octobre au Sénat  » sur le rapport de la mission sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Fin septembre 2019, Mohamed Benyahia montrant les fissures sur sa maison de Neuville-sur-Sarthe apparues un an plus tôt. « Le Maine Libre »

Audience Préfecture de la Sarthe

Le Mans, le 20 décembre 2019

Le bureau est heureux de vous annoncer que Monsieur Le Préfet de la Sarthe a accepté de le recevoir, accompagné de

Mesdames et Messieurs les députés :

– Madame Sylvie TOLMONT
– Madame Pascale FONTENEL-PERSONNE
– Madame Marietta KARAMANLI
– Monsieur Damien PICHEREAU
– Monsieur Jean -Carles GRELIER

Madame et Messieurs les sénateurs:

– Madame Nadine GRELET-CERTENAIS
– Monsieur Louis-Jean de NICOLAY
– Monsieur Jean Pierre VOGEL

de Monsieur le Président du Conseil Départemental, Dominique LE MENER.


Nous remercions tous nos parlementaires pour la qualité de leur écoute, leur empathie et de leur implication.

Déclaration de l’Assemblée des Correspondants

Le Mans, le 20 décembre 2019

Les sinistrés et leurs représentants, dans les communes non reconnues, en état de catastrophe naturelle pour l’année 2018, ou ayant déposé une demande reconnaissance pour 2019, se sont réunis en Assemblée des Correspondants des  »Oubliés de la canicule 72 ».

Après avoir débattu de la situation dans les communes et des activités du bureau, ont voté à l’unanimité le texte suivant :

Sur le plan départemental, les correspondants :

  • se félicitent de l’acceptation par Monsieur Le Préfet de sa demande d’audition avec l’ensemble des parlementaires de la Sarthe
  • demandent aux autorités préfectorales de :
    • transmettre les rapports d’expertise permettant de caractériser l’intensité du phénomène naturel à l’origine des dégâts recensés
  • évaluer l’état sanitaire et psychologique de familles sinistrées et prendre les mesures pour les protéger et leur venir en aide
  • évaluer le degré de dangerosité des habitations touchées
  • anticiper l’ampleur de cette catastrophe insidieuse dans les prochains mois
  • demander à la mission CatNat de la DGSCGC de nous fournir :
    • l’ensemble des données météorologiques utilisées dans le calcul de l’indicateur de l’humidité en sol superficiel et la durée de retour pour toutes les mailles de la Sarthe.
    • les lieux et les dates de leur prélèvement
    • les formules de calcul de ces paramètres

Sur le plan national, les correspondants :

  • S’étonnent de l’application rétroactive de la circulaire INTE1911312C parue le 10 mai 2019 sur des demandes déposées en 2018
  • Considèrent la circulaire INTE1911312C, contrairement à ce que prétend le gouvernement comme une compilation scellée de tout ce que nous déplorons avec nos élus
    • Opacité des critères : malgré le caractère argileux des sols reconnu à 99%, le critère météorologique utilisé pour refuser la reconnaissance appelé “indicateur d’humidité des sols superficiels” ne correspond pas à la réalité :
  • Il nie la sécheresse exceptionnelle qu’a connue la Sarthe. Alors que la préfecture a publié 34 arrêtés de sécheresse pour restreindre l’usage de l’eau depuis juin 2017.
  • Les paramètres, les données et le mode de calcul de ce critère sont secrets. Ce critère n’est utilisé ni par les entreprises, ni par d’autres institutions. Sa validité scientifique reste à démonter.
  • Composition de la commission interministérielle n’est pas publiée dans le journal officiel
  • Demandent l’abrogation pure et simple de la circulaire INTE1911312C qui les empêche d’être indemnisés par les assurances auxquelles ils ont souscrits.
  • Espèrent toujours que le gouvernement:
    • Tienne, sérieusement, compte de l’urgence de la situation dramatique des familles et de la dégradation de leur habitation
    • prenne les mesures d’urgence qui s’imposent pour mettre la situation sous contrôle, empêcher l’explosion des coûts de réparation et venir en aide aux victimes
  • Souhaitent que ce message d’alerte soit entendu par Monsieur Le Premier Ministre parce que :
    • C’est son cabinet qui a validé la circulaire
    • La circulaire implique les ministères du budget, des finances et de l’intérieur (pas celui de l’écologie)
  • Rappellent que, les maisons ont été construites sur des terrains constructibles avec un permis
  • de construction à l’incitation des gouvernements successifs
  • Se félicitent que les études de sols deviennent obligatoires depuis la loi ELAN. Cette obligation vient combler une défaillance de l’état que le gouvernement se doit de réparer et dont nous sommes les victimes.